L'empathie vue par Christian Bobin,
"L'empathie c'est, à la vitesse de l'éclair, sentir ce que l'autre sent et savoir qu'on se ne se trompe pas, comme si le
coeur bondissait de la poitrine pour se loger dans la poitrine de l'autre. C'est une antenne en nous qui nous fait toucher le vivant: feuille d'arbre ou humain.
Ce n'est pas par le toucher qu'on sent le toucher qu'on sent le mieux mais par le coeur. Ce ne sont pas les botanistes qui
connaissent le mieux les fleurs, ni les psychologues qui connaissent le mieux les âmes, c'est le coeur. Le coeur est un instrument d'optique plus puissant que les télescopes de la Nasa. C'est le
plus puissant organe de connaissance, et c'est une connaissance qui se fait sans aucune préméditation, comme si ce n'était plus nous qui faisions attention à l'autre , comme s'il n'y avait plus
qu'attention pure et une bienveillance fondée sur la connaissance de notre mortalité commune. Ce qui est très curieux, car qui est-on, à ce moment-là?
Toute sagesse qui vient dans le carcan d'une méthode est dépassée par le coeur. Ce moment qui foudroie toutes les carapaces
d'identité, qui saute par-dessus l'abîme qui me sépare d'autrui et où le coeur de l'autre est deviné jusqu'en ses moindres battements, donne la plus grande lumière possible sur l'autre. Dans
l'empathie, on peut prendre soin de l'autre comme jamais il ne prendra soin de lui-même, par une attention tendre comme un rai de lumière, mais il n'y a aucune emprise psychique sur lui. C'est
l'art double de la plus grande proximité et de la distance sacrée. (...)"
Christian Bobin, In "La lumière du monde".
Koan,
"Par un coup, par le son d'un caillou,
Par le son d'un bambou,
J'ai tout oublié. J'en ai fini avec toute intelligence
qui emplissait mon cerveau.
Mes complications ont pris fin."
(Kyogen, cité par Taïsen Deshimaru, in Le trésor du Zen, éd. Albin Michel).